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Tunisie : Des milliers de manifestants réclament la liberté et la démocratie
Plus d’un millier de Tunisiens, dont une majorité de jeunes et de femmes, ont manifesté vendredi pour défendre les droits et libertés, à moins d’un mois de l’élection présidentielle où le chef d’État sortant, Kais Saied, brigue un deuxième mandat. Les manifestants ont scandé des slogans tels que « Liberté, liberté » et « À bas la dictature », visant directement le président Saied.
Les protestataires, estimés à entre 1 000 et 1 500 par les correspondants de l’AFP, ont également crié « C’est fini l’État policier » et « Kais dictature, dégage dégage ». Ils ont appelé à la libération des prisonniers politiques, affirmant que « le peuple veut la chute du régime ».
Depuis le printemps 2023, au moins une vingtaine d’opposants, dont des figures comme l’islamiste modéré Rached Ghannouchi et Abir Moussi, une nostalgique des régimes Habib Bourguiba et Ben Ali, ainsi que d’anciens ministres et hommes d’affaires, ont été emprisonnés pour diverses accusations, notamment de « complot contre la sûreté de l’État ».
Élu démocratiquement en 2019, le président Saied, en lice pour un deuxième mandat le 6 octobre, est accusé de dérive autoritaire depuis qu’il s’est octroyé les pleins pouvoirs à l’été 2021.
Les militants étaient rassemblés à l’appel d’un nouveau « Réseau tunisien pour la défense des droits et libertés », créé début septembre et formé entre autres de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, l’Association des femmes démocrates et le Forum tunisien des droits économiques et sociaux.
« En tant que jeunes, nous sommes venus dire : ça suffit, la situation n’est plus tolérable, notamment les violations des droits et libertés », a déclaré à l’AFP Nawras Hammadi, une militante de 28 ans. Elle a dénoncé « les restrictions imposées aux journalistes, aux militants et aux candidats à la présidentielle ».
Ces dernières semaines, Amnesty International et Human Rights Watch ont critiqué le processus de sélection des candidats et notamment la disqualification par l’autorité électorale des rivaux les plus sérieux de M. Saied. Plusieurs ont renoncé pour cause d’entraves administratives, d’autres en raison de poursuites judiciaires, et pour certains de condamnations à l’inéligibilité.
Face à M. Saied, ne restent que deux concurrents : l’un de ses anciens soutiens, Zouhair Maghzaoui, un défenseur du panarabisme, et Ayachi Zammel, un industriel libéral inconnu du grand public, placé récemment en détention provisoire pour des soupçons de « falsification de parrainages ».
« Après trois ans de présidence d’un seul homme, un pouvoir qui tend vers l’autoritarisme, les Tunisiens doivent pouvoir choisir leur président avec des élections libres et pluralistes », a déclaré à l’AFP Wassim Hammadi, 27 ans, militant du Courant démocrate (social-démocrate).
Dans ce contexte tendu, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) a annoncé vendredi la création d’un « comité de soutien international aux libertés en Tunisie », composé de 20 membres de 13 pays dont l’Iranienne Shirin Ebadi, pour « ne pas abandonner la Tunisie à la dictature et à la misère économique ». Le comité réclame « des élections libres et transparentes et la libération de toute personne injustement détenue ».
Jugeant du devoir de la FIDH « d’alerter sur la situation en Tunisie », Yosra Frawes, responsable du bureau régional de l’organisation, a souhaité « initier un élan de solidarité internationale » avec une « société civile tunisienne qui lutte courageusement pour la justice et la liberté ».
La Tunisie a été le théâtre en 2011 de manifestations massives ayant conduit à la chute du dictateur Ben Ali, et à 10 ans de transition démocratique. La FIDH refuse « l’étouffement du rêve d’une démocratie dans le monde arabe », a expliqué Mme Frawes.
Cette mobilisation montre que, malgré les défis, la société civile tunisienne reste déterminée à défendre les valeurs démocratiques et les libertés fondamentales.