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Tunisie: Vers un gouvernement quadripartite
Après son choix quelque peu surprenant par le président tunisien, Elyes Fakhfakh, nouveau chef de gouvernement désigné n’est pas allé par le dos de la cuillère.
Prenant acte des déboires et des atermoiements de son malheureux prédécesseur Habib Jemli, il est allé rapidement droit au but, annonçant la coloration de son gouvernement et les acteurs qui formeront la ceinture politique dont il aura besoin pour aller de l’avant sur la voie des réformes et de l’action.
Un gouvernement qui donnera effectivité à des concepts devant conférer rationalité et moralisation de la vie politique ce qui lui éviterait de tomber dans l’écueil des marchandages politiciens, de conduire les réformes, d’appliquer la loi sans parcimonie et de lutter efficacement contre une corruption devenue endémique.
Le prochain gouvernement que tout indique qu’il recueillera sans grande difficultés la confiance de l’Assemblée des Représentants du Peuple (parlement) sera celui du Président de la République, a annoncé vendredi, sans détours, le nouveau chef de gouvernement désigné, puisqu’il sera formé de personnalités provenant de partis et de formations qui ont soutenu Kaies Saied lors du deuxième tour de la présidentielle d’octobre dernier et sera en cohérence avec les lignes de la révolution.
En plus clair, il sera quadripartite bénéficiant de l’appui du mouvement “Ennahdha” (54 sièges), du bloc démocratique (41 sièges), composé essentiellement des deux partis “Attayar” (centre gauche) et du mouvement “Echaab” (nassérien) et de “Tahya Tounes” (14 sièges).
Il aura inévitablement l’appui de la coalition Al-Karama (islamiste) qui dispose de 18 sièges, du bloc de la réforme nationale (15 sièges) et éventuellement du parti “Qalb Tounes” (38 sièges) pourtant exclu des concertations et également du prochain gouvernement.
Ce scénario fait que l’examen de passage du futur gouvernement au parlement sera une simple formalité, les 109 voix requises sont plus qu’assurées.
Dans sa première conférence de presse organisée, vendredi, M. Fakhfakh a présenté les grandes lignes relatives à la composition du prochain gouvernement, qui aura une forte propension politique, son nombre sera réduit et sa composition se veut homogène avec 25 membres au maximum.
Sans surprise, deux partis ont été déclaré hors-jeu : “Qalb Tounes” et le Parti destourien libre (PDL).
“Qalb Tounes”, n’arrive pas encore à se libérer de l’étiquette qui colle à son président Nabil Karoui, toujours poursuivi dans des affaires de fraude fiscale, de corruption financière et de blanchiment d’argent.
Quant au PDL, dont la présidente, Abir Moussi, et les autres dirigeants incarnent l’ancien régime de Ben Ali et ne reconnaissent pas la révolution de 2011.
Pour ce candidat inattendu qui a été propulsé par le président Saied à la présidence de l’autre aile de l’exécutif tunisien, les défis sont énormes et la partie est loin d’être une sinécure.
En dépit de cet handicap, il a vite pris la mesure des nouvelles missions qui lui sont confiées, présentant dans la foulée sa démission de toutes ses responsabilités partisanes au sein du Parti “Ettakattol” et annonçant son ralliement au camp du président de la république, celui des défenseurs de la ligne de la révolution et des acteurs qui vont essayer de répondre aux attentes des Tunisiens pour la liberté et la dignité.
Si les observateurs sont un peu optimistes sur la rapidité de la formation du nouveau cabinet et sur la confiance qui lui sera accordée, il ne reste pas moins qu’ils se montrent circonspects, sur ses chances de réussite de changer complètement la donne dans “un pays gagné par le doute, miné par les divisions, en proie à des difficultés financières et économiques insolubles et à des tensions sociales récurrentes”.
Par où va-il commencer ? Après neuf ans d’attente et de grandes désillusions, pourrait-il commencer par des mesures impopulaires ? Les réformes essentielles seront douloureuses inévitablement. L’UGTT (centrale syndicale) pourrait-elle lui donner un blanc-seing au gouvernement ? Pas sûr.
Quelles réponses rapides à l’emploi, au développement des régions défavorisées, à la sauvegarde des entreprises publiques qui croulent sous des déficits abyssaux ? Quels moyens pour redresser les finances publiques, remettre en état de marche l’appareil de production, redonner confiance aux opérateurs ?Quelle latitude pourrait-il avoir pour finaliser la mise en place des institutions constitutionnelles (cours constitutionnelle) ? Après un président de rupture, la Tunisie s’achemine vers un gouvernement de rupture. Le nouveau chef de l’Etat réussira-t-il son pari et parviendra-t-il à capitaliser le préjugé favorable que sa nomination a suscité en actions concrètes et profondes capables de conduire le pays dans un véritable processus de changement ?
Selon les observateurs, cette dernière condition requiert, à n’en point douter, la stabilité des soutiens qui lui seront donnés, un programme gouvernementale qui permet de distiller des messages qui confortent la confiance des Tunisiens dans l’Etat et le droit, et l’acceptation par la centrale syndicale d’aller dans le sens d’une trêve sociale après plusieurs années de mouvements souvent de revendications anarchiques qui ont davantage creusé les sillons de la discorde.
En attendant l’épilogue des concertations qu’engagera le nouveau chef de gouvernement désigné, les réactions provenant des principaux partis politiques sont convergentes et témoignent de leur crainte de verser le pays vers l’inconnu et surtout de le précipiter dans de nouvelles élections législatives anticipées.
Le président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, a réitéré, à l’issue de sa rencontre jeudi avec le Elyes Fakhfafkh, la volonté de son mouvement de voir un gouvernement composé de personnalités politiques et d’union nationale, soulignant au passage qu’aucun parti, dont Qalb Tounes, ne doit être exclu, sauf bien sur ceux qui s’excluent eux-mêmes.
Le SG du Courant démocrate (Attayar), Mohamed Abbou, a assuré que “nous ne sommes pas venus pour mettre la pression, ni pour décider qui doit participer ou pas à la composition du gouvernement”.
Pour Seifeddine Makhlouf, président du bloc parlementaire Al-Karama, le gouvernement doit être composé de “partis révolutionnaires” comme “Al-Karama”, “Ennahdha”, “Attayar” et “Haraket Echaab”, estimant que l’esprit révolutionnaire se limite à ces 4 partis, qui doivent composer une coalition.
Le même optimisme prévaut chez les représentants du monde des affaires. Tarek Cherif, président de la CONECT (deuxième centrale patronale) se félicite du choix de Fakhfakh pour la formation du nouveau gouvernement, estimant “qu’il a la volonté d’assurer la transformation du pays”.
Les prochains jours permettront de confirmer ou d’infirmer cette vague d’optimisme dont le pays a grandement besoin.
Source : MAP