Le Sénégal tourne la page de la présence militaire française après plus de soixante ans
C’est un tournant historique pour le Sénégal. Le pays s’apprête à récupérer, ce jeudi, les dernières installations militaires françaises encore présentes sur son territoire, marquant ainsi la fin définitive de la présence permanente de l’armée française non seulement au Sénégal, mais également en Afrique centrale et de l’Ouest.
La présence militaire française au Sénégal remontait à 1960, année de l’indépendance du pays. Plus de six décennies plus tard, ce chapitre s’achève officiellement avec la restitution du « camp Geille », principale base militaire française située dans le quartier de Ouakam à Dakar, ainsi que de l’escale aéronautique militaire localisée à l’aéroport international.
La cérémonie officielle de restitution se déroule à Dakar, en présence du chef d’état-major des armées sénégalaises, le général Mbaye Cissé, et du général Pascal Ianni, commandant les forces françaises pour l’Afrique. Cette journée marque la dissolution des Éléments français au Sénégal (EFS), une structure qui regroupait jusqu’à 350 militaires français, principalement chargés de former et d’accompagner les forces sénégalaises.
Le retrait progressif avait été engagé dès mars dernier, avec la restitution progressive des installations françaises au gouvernement sénégalais. Ce départ intervient dans un contexte de redéfinition des relations bilatérales, les nouvelles autorités sénégalaises, installées depuis avril 2024, ayant affiché une volonté claire de rééquilibrer les partenariats internationaux.
Le président Bassirou Diomaye Faye, élu sur un programme de rupture, avait annoncé dès novembre 2024 la fin de toute présence militaire étrangère sur le sol national. « Le Sénégal est un pays souverain et cette souveraineté est incompatible avec la présence de bases militaires étrangères », avait-il déclaré, tout en insistant sur sa volonté de maintenir un partenariat rénové avec la France, loin de toute logique de domination.
Historiquement, la présence française au Sénégal reposait sur des accords de défense signés dès 1960, puis évolués au fil des décennies. Déjà en 2011, les Forces françaises du Cap-Vert (FFCV) avaient été remplacées par les Éléments français au Sénégal, concentrés sur la formation et non plus sur des opérations de combat.
Cette restitution intervient dans un climat régional marqué par la multiplication des ruptures avec la France, notamment au Mali, au Burkina Faso, au Niger, au Tchad et au Gabon. Le Sénégal, traditionnellement allié de la France en Afrique de l’Ouest, rejoint désormais le mouvement en affirmant une nouvelle posture diplomatique axée sur le respect strict de sa souveraineté nationale.
L’armée française conserve toutefois une présence stratégique sur le continent via sa base de Djibouti, comptant 1.500 militaires. Paris envisage désormais de recentrer ses interventions en Afrique à partir de ce point d’appui, dans un cadre de « missions ponctuelles » plutôt qu’une présence permanente.
Cette journée à Dakar symbolise ainsi la fin d’une époque et le début d’une nouvelle phase dans les relations franco-sénégalaises, tournée vers plus d’équilibre et de respect mutuel.