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L’avocat marocain, fruit d’or ou mirage hydrique ?

Hier 16:20
L’avocat marocain, fruit d’or ou mirage hydrique ?
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Parmi les success stories agricoles récentes du Maroc, celle de l’avocat brille particulièrement. Enregistrant une envolée impressionnante des exportations, ce fruit prisé à l'international devient un symbole de performance économique. Pourtant, derrière cette réussite se cache une réalité plus préoccupante : celle du coût environnemental, en particulier hydrique, de cette culture dans un pays qui affronte une sécheresse chronique.

Une croissance record, des marchés élargis

La campagne 2024-2025 marque un tournant pour la filière. Avec plus de 130 000 tonnes d’avocats produits et plus de 100 000 tonnes exportées, le Maroc franchit un cap historique. Les chiffres dévoilés par Abdellah El Yamlahi, président de l’Association Marocaine de l’Avocat (MAVA), illustrent une dynamique soutenue, avec une progression de 67 % des exportations en une seule année.

L’Europe reste le principal client – Espagne, France, Pays-Bas – mais d’autres marchés émergent rapidement : la Suisse a triplé ses commandes, la Belgique et le Portugal les ont multipliées respectivement par six et onze, et le Canada signe un retour remarqué après deux ans d’interruption. Un succès commercial indéniable, soutenu par des stratégies logistiques et une amélioration des standards de qualité.

Un cri d’alerte en pleine crise de l’eau

Mais cet essor n’est pas sans controverse. La députée Fatima Tamni (FGD) a récemment interpellé le gouvernement, pointant du doigt le coût hydrique de cette croissance. Dans une question écrite adressée au ministre de l’Agriculture, elle s’inquiète de l’incohérence entre les volumes d’eau utilisés pour l’avocat et la crise hydrique que traverse le Maroc.

Selon ses calculs, 1 180 tonnes d’avocats envoyées au Canada représentent plus de 1,18 milliard de litres d’eau exportés, alors même que plusieurs régions marocaines vivent sous le seuil de stress hydrique. Elle dénonce une logique de rentabilité à court terme, au détriment de la souveraineté hydrique nationale.

Un modèle agricole à repenser

La filière avocat incarne un dilemme plus large : comment articuler développement agricole et durabilité environnementale ? Car le Maroc ne fait pas face à une sécheresse passagère, mais à un stress hydrique structurel, aggravé par le changement climatique et une gestion parfois défaillante des ressources.

Pour de nombreux experts, il est temps de revoir la carte agricole du pays, en tenant compte des contraintes climatiques et de la disponibilité réelle en eau. Encourager des cultures moins gourmandes, renforcer la recherche agronomique pour des variétés plus résistantes, investir dans l’irrigation goutte-à-goutte et diversifier les marchés intérieurs sont autant de pistes à explorer.

Vers un arbitrage nécessaire

Le débat soulevé par Fatima Tamni ne se limite pas à l’avocat. Il interroge en profondeur le modèle de croissance agricole basé sur l’export, déjà critiqué pour les cas des pastèques ou des agrumes. Peut-on continuer à vendre l’image d’un "pays nourricier" tout en asséchant ses nappes phréatiques ? Peut-on célébrer des performances à l’international sans bilan écologique ?

À l’heure où le Maroc construit sa stratégie climatique et alimentaire, cette interpellation invite à un arbitrage clair entre les bénéfices économiques à court terme et la préservation des ressources vitales à long terme. L’avocat, ce "fruit star", devient ainsi le révélateur d’une question bien plus large : celle de l’équilibre entre prospérité et résilience.



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