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Tunisie : Kais Saied limoge le premier ministre Ahmed Hachani et annonce sa candidature à la présidentielle

Tunisie : Kais Saied limoge le premier ministre Ahmed Hachani et annonce sa candidature à la présidentielle
Jeudi 08 Août 2024 - 08:56
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Les services du président Kais Saied en Tunisie ont annoncé le limogeage du Premier ministre Ahmed Hachani, sans fournir d'explications officielles. Il sera remplacé par le ministre des Affaires sociales Kamel Madouri, récemment nommé à ce poste.

Ahmed Hachani avait succédé à Najla Bouden le 1er août de l'année dernière, elle aussi remerciée sans justifications officielles par le président Kais Saied. Depuis son coup de force du 25 juillet 2021, Kais Saied accapare tous les pouvoirs en Tunisie et est accusé de dérive autoritaire par ses détracteurs.

Élu démocratiquement en octobre 2019, Kais Saied s'est octroyé les pleins pouvoirs il y a trois ans, limogeant son Premier ministre de l'époque et suspendant le Parlement, par la suite dissous. Après avoir révisé la Constitution en 2022 pour instaurer un régime hyper-présidentialiste et fait élire un nouveau Parlement aux pouvoirs très limités, il a annoncé lundi briguer un deuxième mandat lors de la présidentielle qui aura lieu en Tunisie le 6 octobre.

Plusieurs de ses rivaux potentiels ont affirmé avoir été empêchés de déposer leurs dossiers auprès de l'autorité électorale, en raison de problèmes administratifs et juridiques. Nizar Chaari, homme des médias dont des collaborateurs ont été arrêtés la semaine passée pour des soupçons d’achat de parrainages, et l’amiral à la retraite Kamel Akrout, ont renoncé cette semaine à se présenter, faute d’avoir pu obtenir leur extrait de casier judiciaire.

Le rappeur milliardaire Karim Gharbi, alias K2Rhym, qui avait annoncé vouloir candidater, fait l’objet d’une enquête ouverte pour des achats de parrainages présumés après l’interpellation de quatre femmes travaillant à sa collecte de signatures, ont indiqué mercredi des sources judiciaires aux médias locaux.

Abir Moussi, 49 ans, figure de l'opposition et cheffe du Parti destourien libre (PDL), emprisonnée depuis octobre 2023 pour diverses accusations dont celle de complot contre l’État, a déposé sa candidature via ses avocats samedi. Cependant, elle a été condamnée lundi soir à deux ans de prison en vertu d’un décret sur la diffusion de fausses nouvelles. Si la peine est confirmée en appel ou si d’autres procédures arrivent à leur terme, elle sera officiellement exclue de la course, les candidats étant tenus d’avoir un casier vierge.

Fin juillet, après une visite de quatre jours et des rencontres avec des acteurs de la société civile, la secrétaire générale d’Amnesty International, Agnès Callamard, s’est dite « alarmée du recul extrême des droits » dans le pays berceau du Printemps arabe. En ce début de campagne, elle a « observé une répression gouvernementale alimentant la peur au lieu des débats animés d’une scène politique pluraliste », dénonçant les « détentions arbitraires » d’opposants, les « restrictions et poursuites » contre certains candidats et l’emprisonnement de journalistes.

En présentant sa candidature, Kais Saied a balayé les voix critiques, affirmant que « la loi s’applique à tout le monde de manière égale » et niant toute restriction.

Depuis février 2023, une vingtaine de politiciens de premier plan, des hommes d’affaires et d’anciens ministres affiliés à l’opposition sont détenus dans le cadre d’une vaste enquête sur un complot présumé contre le président Saied, qui les a qualifiés de « terroristes ».

Le Premier ministre Hachani avait publié dans la journée deux vidéos faisant le point notamment sur des mesures prises face à la pénurie d’eau et la situation difficile des transports publics. Kamel Madouri, un technocrate ancien président de la Caisse nationale d’assurance maladie, avait pris ses fonctions en mai dernier en remplacement de Malek Zahi, limogé en même temps que le ministre de l’Intérieur Kamel Feki, auquel avait succédé Khaled Nouri.

Le limogeage d'Ahmed Hachani et la candidature de Kais Saied à la présidentielle marquent un tournant crucial dans la politique tunisienne, mettant en lumière les tensions entre les aspirations démocratiques et les réalités autoritaires du pays.


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