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Tunisie : Kaïs Saied réélu avec un taux de participation historiquement bas

Tunisie : Kaïs Saied réélu avec un taux de participation historiquement bas
Lundi 07 - 07:25 Journalistes: ELMIR Barae
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Le président sortant de la Tunisie, Kaïs Saied, a remporté une victoire massive lors de la présidentielle du dimanche 6 octobre 2024, selon des sondages de sortie des urnes. Avec 89,2 % des voix, il écrase ses concurrents, malgré un taux de participation historiquement bas de 27,7 %. Ce scrutin, critiqué pour son manque de transparence et l'exclusion des principaux candidats, suscite de vives inquiétudes quant à l'avenir démocratique du pays.

Selon les données de l'institut Sigma Conseil, diffusées sur la télévision nationale, Saied devance largement ses deux adversaires : Ayachi Zammel, un industriel libéral méconnu du grand public, qui obtient 6,9 % des voix, et Zouhair Maghzaoui, député de gauche panarabe, avec seulement 3,9 %. Le faible taux de participation, le plus bas depuis la révolution de 2011 qui a mis fin au régime de Ben Ali, reflète la désillusion croissante d'une grande partie de la population tunisienne.

Un scrutin critiqué et des candidats écartés

Ce scrutin a été marqué par de nombreuses critiques concernant le processus de sélection des candidats. Seuls Zammel et Maghzaoui ont été autorisés à se présenter contre Saied, après l'éviction de 15 autres candidats pour des irrégularités présumées. Parmi ces derniers, Mondher Zenaidi, ancien ministre sous Ben Ali, avait été écarté, alimentant les accusations d'un scrutin biaisé en faveur du président sortant.

L’opposition, dont plusieurs figures sont emprisonnées, et des ONG tunisiennes et internationales, ont dénoncé un « scrutin faussé » et un climat de répression croissante. Zammel, lui-même incarcéré depuis septembre pour des accusations de faux parrainages, n'a pas pu mener de campagne. Quant à Maghzaoui, son programme de gauche souverainiste proche de celui de Saied faisait de lui un « faire-valoir » aux yeux des analystes politiques.

Une légitimité contestée

Le faible taux de participation a été interprété par beaucoup comme un signe de méfiance généralisée envers le processus électoral. L'analyste politique Hatem Nafti a déclaré que « la légitimité de l'élection est entachée », d'autant que les rivaux les plus sérieux de Saied ont été écartés. Le président de l’Isie, Farouk Bouasker, a toutefois jugé ce taux « respectable », malgré une baisse drastique par rapport aux 45 % enregistrés il y a cinq ans.

L’expert français du Maghreb, Pierre Vermeren, souligne que, malgré l'abstention massive, « la Tunisie a un président et la majorité des Tunisiens laissent faire », faisant un parallèle avec l'Algérie où le président Tebboune reste en place sans contestation majeure.

Un président toujours populaire malgré les critiques

Après l’annonce des résultats des sondages, plusieurs centaines de partisans de Kaïs Saied ont fêté sa victoire dans les rues de Tunis, brandissant des drapeaux et des photos du président. Parmi eux, Oumayma Dhouib, 25 ans, s'est dite « très contente » de sa victoire, affirmant être convaincue par ses idées. Sa mère, Khadija, 52 ans, partage cette confiance en Saied, malgré les controverses entourant sa gouvernance.

Élu en 2019 avec près de 73 % des voix, Kaïs Saied jouissait alors d'une image d'homme incorruptible. Cependant, depuis sa prise de pouvoir absolu en 2021, de nombreuses voix dénoncent une dérive autoritaire, marquée par l’arrestation de ses opposants, notamment du parti islamo-conservateur Ennahdha, et un démantèlement des contre-pouvoirs.

L’avenir incertain de la démocratie tunisienne

Avec plus de 170 personnes détenues pour des motifs politiques, selon Human Rights Watch, la société civile tunisienne s’inquiète de la direction que prend le pays. Le politologue Hatem Nafti craint un durcissement du régime à la suite de cette élection. « Saied pourra utiliser sa victoire pour justifier la répression », avertit-il, en référence aux déclarations du président contre ses « ennemis de la Tunisie ».

Alors que la Tunisie, berceau des soulèvements du Printemps arabe, faisait figure de modèle de transition démocratique, le pays semble aujourd'hui en proie à une concentration du pouvoir entre les mains d'un seul homme. Le futur de la démocratie tunisienne, jadis prometteuse, semble aujourd'hui plus incertain que jamais.


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