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BTP au Maroc : l’essor des grands chantiers exacerbe la pénurie de main-d’œuvre qualifiée
Le secteur du bâtiment marocain, en pleine reprise grâce à une vague massive d’investissements publics, fait face à un défi de taille : le manque criant de main-d’œuvre qualifiée. Un paradoxe inquiétant alors que le pays multiplie les chantiers d’envergure à l’approche de la Coupe du monde 2030, coorganisée avec l’Espagne et le Portugal.
Selon Mohammed Mahboub, président de la Fédération nationale du bâtiment et des travaux publics (FNBTP), la situation est tendue : « Nous faisons face à une rareté préoccupante de profils spécialisés du fait de l’ouverture simultanée de projets d’ampleur qui requièrent une mobilisation massive et rapide. » Une déclaration qui illustre les difficultés croissantes des entreprises à répondre à la demande, dans un contexte où l’État injecte des moyens sans précédent pour accélérer la modernisation des infrastructures.
Des investissements record en 2025
L’année 2025 marque un tournant pour le BTP marocain : près de 90 milliards de dirhams seront investis par l’État dans des projets structurants, allant des routes aux stades, en passant par les stations de dessalement et les lignes ferroviaires. Cela représente une hausse de 40 % par rapport à l’année précédente. Mais cette relance spectaculaire met à rude épreuve les entreprises, confrontées à une double pression : respecter des délais serrés tout en composant avec une flambée des coûts salariaux, conséquence directe de la rareté des profils qualifiés.
Cette tension affecte surtout les petites et moyennes structures, déjà fragilisées par les séquelles de la crise sanitaire, et peu capables d’absorber une hausse soudaine des charges.
Un secteur stratégique, mais dépendant
Avec environ 1,2 million d’emplois et plus de 7 000 entreprises agréées, le bâtiment reste un pilier de l’économie marocaine. Toutefois, il demeure largement dépendant des marchés publics, qui représentent environ deux tiers des investissements depuis 2018. Pour casser cette dépendance, une nouvelle charte de l’investissement a été introduite en 2022. Elle vise à faire passer la part du privé à deux tiers des investissements d’ici 2035, en misant sur des incitations fiscales et financières pour attirer les capitaux.
À l’horizon 2030, ce sont quelque 170 milliards de dollars de projets qui devraient irriguer l’économie nationale. Si la Coupe du monde agit comme un catalyseur, d'autres secteurs sont aussi concernés : énergie, eau, logistique, transport et industrie.
La formation au cœur de la réponse publique
Pour faire face à cette pénurie, les autorités misent sur une refonte ambitieuse de la formation professionnelle. L’objectif : tripler, d’ici quelques années, le nombre de formés dans les filières en tension, passant de 30 000 à 100 000 bénéficiaires par an. Le financement repose sur une taxe de 1,6 % sur la masse salariale, mais le temps de formation reste un obstacle majeur.
« Le renforcement des compétences requiert un temps long, or les chantiers en cours nécessitent une réponse immédiate », alerte le président de la FNBTP. Il appelle à une meilleure planification des projets et à une gestion plus rigoureuse des appels d’offres pour éviter l’éparpillement des ressources humaines.
Un paradoxe économique
Malgré l’effervescence des chantiers, le taux de chômage reste élevé : 13,3 % au premier trimestre 2025, soit 1,63 million de personnes. Cette hausse s’explique en partie par la crise agricole, causée par la sécheresse persistante, qui a entraîné la perte de 37 000 emplois sur la même période.
Le contraste est frappant : alors que le pays crée des centaines de milliers d’emplois dans l’industrie et les services, il peine à les pourvoir faute de qualifications adaptées. Le chômage déguisé, notamment en zone rurale, continue d’aggraver le déséquilibre entre l’offre de travail et les besoins du marché.
L’élan infrastructurel que connaît le Maroc constitue une opportunité unique pour dynamiser l’économie et moderniser le pays. Mais cette dynamique se heurte à un mur de réalités structurelles : inadéquation des compétences, dépendance au secteur public, et fragilité des entreprises locales. Pour transformer l’essai, il faudra plus qu’un effort budgétaire : une réforme en profondeur du système de formation, une implication accrue du secteur privé et une stratégie coordonnée à l’échelle nationale.