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Casablanca Finance City, entre ambitions panafricaines et défis structurels

Mardi 03 - 18:20
Casablanca Finance City, entre ambitions panafricaines et défis structurels
Par: Naji khaoula
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Longtemps perçue comme un carrefour historique du commerce transatlantique, Casablanca réaffirme aujourd’hui son rôle de plateforme stratégique entre l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient. Cette ambition prend forme dans le quartier emblématique de Casablanca Finance City (CFC), une initiative lancée en 2010 par le gouvernement marocain. Selon le quotidien britannique The Guardian, la CFC incarne « le symbole de l’ambition marocaine de s’imposer comme la principale passerelle de l’investissement étranger vers l’Afrique ».

Cette zone financière, pensée pour attirer les multinationales en quête d’ancrage africain, abrite désormais plus de 240 entreprises internationales, parmi lesquelles Huawei ou encore Schneider Electric. Elle génère à ce jour plus de 7 000 emplois directs. Malgré une pause temporaire due à la pandémie de Covid-19, l’élan du district semble avoir repris de plus belle, porté par une fiscalité avantageuse et un environnement économique stable. Lamia Merzouki, directrice générale adjointe de la CFC, souligne : « Nous accompagnons des entreprises de divers secteurs dans leur stratégie d’expansion à l’échelle africaine. »

CFC, levier d’intégration pour une Afrique unifiée

Le Maroc envisage la CFC comme une plateforme centrale dans la dynamique de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), un projet porté par l’Union africaine visant à créer un marché intégré de 1,4 milliard de consommateurs. Bien que sa mise en œuvre reste inégale, la ZLECAf aiguise les appétits économiques à travers le continent. The Guardian rappelle que l’investissement direct marocain en Afrique a explosé, passant de 100 millions de dollars en 2014 à 2,8 milliards en 2024.

Lors du dernier Africa CEO Forum à Abidjan, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a lancé un appel au secteur privé pour qu’il s’engage pleinement dans cette initiative panafricaine. De son côté, Mme Merzouki réaffirme que « l’intégration régionale est une nécessité stratégique que le Maroc soutient depuis longtemps ».

Un potentiel freiné par des réalités économiques persistantes

Toutefois, cette ambition continentale se heurte à certaines limites structurelles. The Guardian note que près des deux tiers des exportations marocaines continuent d’être dirigées vers l’Union européenne, malgré un discours officiel centré sur l’Afrique. Mme Merzouki tempère : « Ces chiffres n’empêchent pas une coopération réelle et dynamique avec nos partenaires africains. »

La stabilité politique du Maroc est également présentée comme un facteur d’attractivité essentiel. En contraste avec l’instabilité de certains autres centres financiers africains, Casablanca mise sur une image rassurante pour les investisseurs. Un atout que la CFC exploite à fond, surtout dans un contexte de tensions commerciales mondiales accentuées, notamment depuis le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis.

Cap sur l’innovation et la finance verte

Dans sa quête de repositionnement stratégique, la CFC intensifie aujourd’hui ses efforts vers la finance durable. Elle collabore activement avec plus de vingt agences africaines de promotion des investissements et héberge le fonds Africa50, lancé en 2015 par la Banque africaine de développement. Un laboratoire d’innovation axé sur les technologies financières a également vu le jour.

Sur le volet environnemental, la CFC entend structurer un marché africain du carbone. En septembre dernier, elle a signé un partenariat avec une institution marocaine en vue de créer un marché volontaire du carbone. Pour Mme Merzouki, également coprésidente du réseau Financial Centres for Sustainability du PNUD, « l’Afrique a le potentiel de devenir un acteur majeur de la transition énergétique, à condition de bénéficier de financements adaptés et de transferts technologiques crédibles ».

Entre espoirs et réalités, un projet en quête de maturité

Malgré ces avancées, certains observateurs restent prudents. Bright Simons, du Imani Centre for Policy and Education à Accra, considère que les hubs financiers comme la CFC « ne règlent pas les problèmes de fond ». Selon lui, « les États africains privilégient trop souvent ces vitrines institutionnelles au détriment de réformes structurelles indispensables ».

Dans ce contexte, Casablanca tente de concilier ses ambitions panafricaines avec les réalités économiques et géopolitiques du continent. Une démarche délicate, mais stratégique, qui pourrait à terme faire du Maroc un acteur incontournable du nouvel ordre économique africain — à condition de transformer l’essai sur le long terme.

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