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Chantier naval Casablanca : enjeux et pressions internationales

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Chantier naval Casablanca : enjeux et pressions internationales
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Le chantier naval dédié aux navires commerciaux à Casablanca est aujourd’hui au cœur d’une vive polémique marquée par des rumeurs persistantes autour de l’attribution du marché estimé à près de 300 millions de dollars. Ce projet, lancé via un appel d’offres international en avril dernier, incarne une ambition stratégique majeure pour le Maroc, qui vise à renforcer sa flotte commerciale à 100 navires d’ici 2040, en cohérence avec l’initiative royale pour les États atlantiques.

 

Dans ce contexte, plusieurs investisseurs étrangers, en particulier sud-coréens, intensifient leurs efforts pour s’imposer sur ce marché stratégique, suscitant des tensions locales et internationales. Des fuites et rumeurs diffusées dans l’espace public évoquent un possible avantage déjà accordé aux groupes sud-coréens, au détriment de concurrents marocains, espagnols, chinois, et autres. Ces bruits de couloir ont provoqué l’ire d’Hassan Sentissi El Idrissi, président de l’Association marocaine des exportateurs (ASMEX), qui met en garde contre ces affirmations prématurées et dénonce leur caractère préjudiciable.

 

Selon Sentissi El Idrissi, la procédure officielle reste en cours, avec l’examen des dossiers administratifs de tous les soumissionnaires — issus de divers pays — qui doit précéder toute décision finale. Le volet technique n’est pas encore arrêté et l’évaluation des offres financières ne débutera que mi-octobre, tandis que le choix définitif du lauréat est prévu vers la fin du mois, avec la signature du contrat. Toute annonce avant ces dates serait donc inexacte et nuirait à la transparence du processus.

 

Au-delà de la procédure, le président de l’ASMEX soulève un enjeu politique fondamental : la souveraineté économique du Maroc. Il rappelle la déclaration royale de novembre 2023, qui insiste sur la protection des intérêts nationaux, notamment dans des secteurs aussi sensibles que la construction navale. « Comment peut-on envisager d’octroyer un marché stratégique à un pays qui ne reconnaît pas la marocanité du Sahara ? » interroge-t-il, soulignant ainsi le poids des considérations géopolitiques.

 

Sentissi El Idrissi prône une préférence pour un investisseur national ou un partenariat régional, notamment avec l’Espagne, dont la proximité géographique et la connaissance des spécificités maritimes marocaines représentent un atout indéniable. Il évoque également la possibilité d’un consortium multinational incluant la Chine, dont l’expertise dans le plus grand chantier naval mondial pourrait bénéficier au Maroc tout en préservant la souveraineté économique.

 

Le retour sur le passé du secteur est aussi éclairant. Le Maroc avait initié une politique ambitieuse de constitution d’une flotte nationale via Comanav, aujourd’hui largement réduite suite à la vente de la société et la perte de capacités. Le gouvernement, sous l’impulsion royale, avait lancé une ligne de financement publique pour relancer le chantier naval, mais celle-ci a été suspendue pour des raisons administratives. Hassan Sentissi El Idrissi plaide pour lever ces blocages et faire de la relance des chantiers navals un pilier de l’initiative atlantique, rappelant que le Maroc dispose d’un immense domaine maritime et d’instituts de formation capables de soutenir cette dynamique.

 

Au final, le chantier naval de Casablanca est bien plus qu’un simple projet industriel : il est une question de souveraineté, de développement économique et d’affirmation géopolitique. La décision à venir devra donc concilier exigence technique, transparence administrative et intérêt national, sous le regard attentif des acteurs marocains et étrangers.

 



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