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L’eau dessalée, bouée de sauvetage de l’agriculture dans le sud du Maroc… mais à quel prix ?
Face à une sécheresse persistante et sévère depuis 2018, le sud du Maroc trouve dans l’eau dessalée une solution vitale pour sauver son agriculture. Pourtant, cette alternative n’est pas sans défis, tant sur le plan économique qu’environnemental.
Dans la plaine de Chtouka, à environ 60 kilomètres d’Agadir, le groupe franco-marocain Azura irrigue aujourd’hui ses 800 hectares de tomates cerises exclusivement avec de l’eau dessalée. « Sans cette ressource, on ne serait plus là », affirme Abir Lemseffer, directrice générale adjointe du groupe, soulignant l’urgence liée au changement climatique qui pèse lourdement sur les réserves d’eau du pays.
Depuis 2022, la station de dessalement locale fournit chaque jour 125 000 m³ d’eau pour l’irrigation de 12 000 hectares de cultures maraîchères, ainsi que 150 000 m³ destinés à l’eau potable de 1,6 million d’habitants. D’ici 2026, la capacité de production devrait atteindre 400 000 m³ par jour, dont la moitié pour l’agriculture.
Pour Rqia Bourziza, agronome, cette ressource a évité un « scénario catastrophique » pour le secteur agricole, qui représente près de 12 % du PIB marocain. En effet, six années consécutives de sécheresse ont mis en péril des milliers d’exploitations.
Cependant, le coût élevé de l’eau dessalée freine son adoption chez les petits agriculteurs. À 0,48 euro le m³, contre environ 0,10 euro pour l’eau conventionnelle, elle reste inaccessible pour beaucoup. Hassan, cultivateur de courgettes et poivrons sur un demi-hectare, explique qu’il doit se contenter de l’eau de puits partagée par 60 agriculteurs, faute de moyens.
Au-delà du prix, cette méthode soulève aussi des questions environnementales. La production d’eau dessalée est énergivore, et les rejets de saumure peuvent menacer les écosystèmes marins. Des mesures sont prises pour limiter ces impacts, comme l’utilisation de diffuseurs pour diluer les rejets, mais le débat reste ouvert.
Dans la région du Souss-Massa, qui concentre 85 % des exportations marocaines de produits maraîchers, l’enjeu est crucial. Les cultures occupent 29 000 hectares, avec près de deux millions de tonnes produites annuellement, générant un chiffre d’affaires proche de 940 millions d’euros. La station de dessalement a permis de préserver plus d’un million d’emplois et d’éviter une perte économique de plus de 860 millions d’euros.
Mohamed Boumarg, agriculteur dans la région, témoigne de l’impact positif : « Avant, je cultivais cinq hectares, limité par la disponibilité en eau. Aujourd’hui, je gère vingt hectares, dont une grande partie est destinée à l’export. »
Pour Abir Lemseffer, la question est claire : « Soit nous acceptons de réduire nos marges en utilisant cette eau coûteuse, soit nous mettons la clé sous la porte. » Une équation difficile qui reflète les défis du Maroc face au changement climatique, où l’eau dessalée est une bouffée d’oxygène, mais à quel prix ?