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Agrumes au Maroc : un secteur en crise entre sécheresse, surproduction et restructuration

Lundi 19 Mai 2025 - 08:31
Agrumes au Maroc : un secteur en crise entre sécheresse, surproduction et restructuration
Par: Naji khaoula
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Agriculture des agrumes au Maroc : recul des surfaces, chute des revenus et défis hydriques majeurs

La filière des agrumes au Maroc traverse une période délicate, marquée par un recul des superficies cultivées, une baisse de la production, et une pression croissante sur les ressources en eau. Alors que le pays produisait jusqu’à 2,6 millions de tonnes en 2016, les chiffres récents révèlent une chute importante à 1,5 million de tonnes, soit une perte de plus de 40 % en moins d’une décennie.

Réunie à Marrakech lors de son premier congrès national, la Fédération interprofessionnelle des agrumes « Maroc Citrus » a dressé un bilan sans détour du secteur. Plus de 13.000 familles rurales vivent directement de la culture des agrumes, générant quelque 32 millions de journées de travail. Ce tissu économique repose sur une cinquantaine de stations de conditionnement et quatre unités de transformation en jus.

La période 2010-2016 avait pourtant laissé espérer une dynamique positive. Grâce au Plan Maroc Vert et à des partenariats public-privé sur les terres de la SODEA, la superficie des vergers était passée de 98.000 à 128.000 hectares, avec une hausse de la production de 59 %. Toutefois, cette croissance a engendré une surproduction que les capacités locales de commercialisation et de transformation n’ont pu absorber.

Entre sécheresse et concurrence étrangère

Depuis 2016, le secteur subit de plein fouet les effets du changement climatique. En huit ans, plus de 37.000 hectares ont été abandonnés ou reconvertis, ramenant la superficie totale à 91.342 hectares. À cela s’ajoute une sévère crise hydrique : les sécheresses successives ont réduit l’accès à l’eau d’irrigation, surtout dans les régions clés de la culture agrumicole. Si l’eau dessalée est prioritairement réservée à l’usage domestique, l’agriculture doit composer avec les eaux de barrage et les eaux usées traitées, dont la disponibilité reste limitée.

Face à cette menace structurelle, la fédération appelle à des actions concrètes : accélération des projets de dessalement, interconnexions hydrauliques et mise en œuvre d’« autoroutes de l’eau ». Sans solutions rapides, la pérennité de la culture des agrumes est sérieusement compromise.

Une filière en quête de compétitivité

Sur le plan commercial, les exportations marocaines subissent la montée en puissance des producteurs turcs et égyptiens, notamment sur le marché russe. La saison d’exportation des mandarines marocaines a été raccourcie de deux mois à cause de cette concurrence, entraînant une chute des revenus et des pertes d’emploi pour les saisonniers. Néanmoins, le recul du géant brésilien, affecté par un virus, ouvre une opportunité stratégique pour le Maroc sur certains marchés.

Malgré les difficultés, le secteur tente de se réinventer. La moitié des vergers actuels a moins de 15 ans, avec un virage vers des variétés plus rentables. L’exemple le plus emblématique reste la NadorCott, variété marocaine protégée en Europe et plébiscitée pour son rendement, sa qualité et sa période de récolte. Exportée vers plus de 40 pays, elle incarne une réussite à la fois technique et commerciale, pilotée par l’Association des producteurs de NadorCott.

Un modèle à repenser

Au-delà des enjeux climatiques et commerciaux, des failles structurelles freinent le développement du secteur. Le Conseil de la concurrence a identifié plusieurs maux chroniques : fragmentation foncière, faible organisation des producteurs, poids excessif des intermédiaires, et spéculation sur les marchés de gros. Ces déséquilibres gonflent les prix pour le consommateur tout en réduisant les marges pour les agriculteurs.

La relance durable du secteur agrumicole marocain passe donc par une réforme en profondeur de son écosystème : gouvernance, logistique, gestion de l’eau, soutien à l’exportation, et encadrement des circuits de distribution. Sans cela, les vergers risquent de continuer à disparaître, entraînant avec eux un pan entier de l’économie agricole nationale.

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