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Les récentes oeuvres de Mohamed Arejdal s’invitent à Marrakech
Cette exposition majeure dotée d’une dimension muséale, qui se poursuivra jusqu’au 5 février prochain, découle d’une volonté de défendre une vision alternative de l’art au Maroc et de proposer une autre lecture de la notion d’un « Grand Sud ». Ne se limitant plus à un territoire spatial ou à une géographie du tiers-monde, le « Grand Sud » mis en avant par l’artiste trouverait davantage son sens dans un agrégat de coutumes, de pratiques humaines et de cultures devenues « minoritaires » qui se démarquent d’une « définition occidentale ». Les œuvres, qui jalonnent les grandes phases du parcours de l’exposition, sont d’ailleurs toutes empreintes des traces du vivant, du sacré ou des coutumes ancestrales, de même qu’elles représentent des fragments de « ce Grand Sud » imaginaire mis en péril par le rythme d’une modernité imposée. Si elle représente un aboutissement important pour l’artiste, « Ressala » est un défi colossal pour le « Comptoir des Mines » afin d’accompagner l’un des personnages les plus fascinants de la scène artistique marocaine dans « son bilan d’étape décennal ». Le titre de l’exposition « Ressala » renvoie à la sémantique même du Sacré en Islam. Si Mohamed Arejdal ne se prétend ni un être céleste ni un Messie, il revendique en revanche farouchement sa légitimité à témoigner d’un monde en mutation dont il se sait fin observateur. S’il endosse aujourd’hui le rôle de « messager », c’est qu’il a conscience de porter en lui une vérité que l’urgence du moment le force à transmettre à travers son langage visuel. « Je suis une voix venant du Sud », se plaît-il à répéter. Mohamed Arejdal a une mission, celle de rappeler sans cesse la disparition des particularités et des exceptions culturelles qui façonnaient les mosaïques humaines au Maroc, mais aussi en Afrique de l’Ouest, et bien au-delà encore. Le rapport à la modernité, le colonialisme, les signes du sacré, les liens sociaux, les distances qui séparent les cultures, les frontières et le nomadisme, ainsi que le travestissement de la culture au service du commerce, sont les préoccupations ardentes de Mohamed Arejdal. « C’est notre responsabilité commune d’en parler et d’interroger à notre tour les gens », affirme-t-il. En 2012, il se mettait déjà en scène dans une performance vidéo tournée à la place Jamaa El Fna « Mohamed Artiste », clamant sa naissance artistique au monde et lisant, devant une foule interloquée, le manifeste qui guidera ses pas. Il sera l’infatigable voyageur, responsable de chacun de ses actes et de ses paroles. Cette place, il l’a sciemment choisie pour gagner la reconnaissance des « conteurs » qu’il perçoit comme les pionniers des arts vivants au Maroc. Sans doute, Mohamed Arejdal ignorait-il alors qu’il marchait sur les pas des artistes du « Mouvement de Casablanca », qui ont eux-mêmes investi la place mythique de Jamaa el Fna en 1969 pour y faire entendre leurs différences et revendiquer une certaine distance avec la pratique et le savoir artistiques occidentaux. Mohamed Arejdal, 50 ans après le manifeste de la place Jamaa El Fna dont il endosse pleinement l’héritage « nous invite à nous affranchir des repères inventés pour légitimer les dominations culturelles et l’emprise de l’occident », à l’instar de l’appellation « Sud » utilisée aujourd’hui pour désigner les contrées situées dans la partie méridionale de l’espace méditerranéen. Mohamed Arejdal est un personnage fascinant dont les obstacles de la vie n’ont jamais altéré la détermination. De l’obtention de son Diplôme de l’Institut National des Beaux Arts (INBA) de Tétouan en 2008, jusqu’à la reconnaissance acquise durant la Bienalsur à Buenos Aires en 2019, Arejdal fait, à travers ces oeuvres, la lumière sur quelques-unes des étapes les plus marquantes de sa vie, notamment sa traversée clandestine et son arrestation en Espagne qui ont marqué un tournant dans son existence. Cette prise de risque pour vivre intensément sa « mission » artistique ne l’a plus quitté depuis, comme en attestent ses nombreux voyages en Afrique de l’Ouest et au Sahel. A pied, à dos de chameau, ou en autocar, Mohamed Arejdal s’est souvent mêlé aux populations et caravanes nomades sans connaître à l’avance sa destination finale. Roues motrices de son imaginaire, ce sont avant tout les voyages, les rencontres et le dialogue qui comptent à ses yeux comme autant d’empreintes de ces moments qu’il finit par matérialiser en œuvre d’art. L’artiste a toujours manifesté une grande préoccupation à lutter contre les amalgames liés aux cultes religieux et de certaines idéologies qui enferment, selon lui, des populations entières dans des stéréotypes déterminés. Au-delà, il se penche aussi sur le chantier de la foi et les engrenages de certaines pratiques qui peuvent aboutir à des situations contraignantes pour les individus et les sociétés.
Source : MAP