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Pesticides au Maroc : une menace silencieuse pour la sécurité alimentaire et la crédibilité agricole

Lundi 30 Juin 2025 - 15:30
Pesticides au Maroc : une menace silencieuse pour la sécurité alimentaire et la crédibilité agricole
Par: Naji khaoula
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Chaque été, le même scénario se répète : des cas d’intoxications alimentaires se multiplient dans différentes régions du Maroc, jetant une ombre sur la confiance des consommateurs envers les produits agricoles locaux. En cause, l’usage incontrôlé de pesticides, un mal qui mine le secteur agricole malgré son rôle crucial dans l’économie nationale.

À Taounate, treize personnes ont récemment été hospitalisées après avoir consommé des pastèques. À Doukkala, une douzaine d’autres ont présenté des symptômes similaires, cette fois à la suite de la consommation de melons et de pastèques. Et à Casablanca, une jeune femme a dû être soignée après avoir mangé un melon. Ces incidents illustrent un problème récurrent : la contamination des fruits par des produits phytosanitaires, souvent utilisés sans encadrement.

Pour Ouadie Madih, président de la Fédération nationale des associations de consommateurs (FNAC), la situation est inquiétante. Il évoque une combinaison de facteurs aggravants : températures élevées, conservation inadaptée, manque d’hygiène, mais surtout une utilisation anarchique de pesticides. Ces substances, parfois achetées dans des circuits parallèles — garages, entrepôts ruraux, ou points de vente informels — sont rarement contrôlées, bien qu’elles soient aussi sensibles que des médicaments.

Les lacunes du système de contrôle sont flagrantes. De nombreux produits issus de l’agriculture sont commercialisés sans passer par les circuits réglementés, notamment les marchés de gros. Cette absence de traçabilité empêche toute vérification sérieuse, exposant les consommateurs à des risques sanitaires majeurs. Les marchés hebdomadaires ou les revendeurs de quartier deviennent alors des points de diffusion d’une production parfois dangereuse.

Pourtant, le pays dispose de plus de 1.280 produits phytosanitaires homologués, selon les données de l’Office national de la sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), incluant plus de 1.100 pesticides autorisés. Toutefois, une quarantaine de ces substances sont classées comme « hautement dangereuses » selon des standards internationaux, posant la question de leur usage réel sur le terrain.

Un professionnel du secteur, spécialisé dans l’exportation, met en garde contre les dérives actuelles : surdosage dans les champs, circulation de produits illicites, contrefaçons d’insecticides ou d’herbicides... autant de pratiques qui compromettent non seulement la santé publique, mais aussi la réputation du produit marocain à l’international. Un dirigeant d’une fédération agricole renchérit : « Le circuit local est largement hors de tout contrôle. Il existe aujourd’hui un système à deux vitesses : un circuit d’exportation très encadré et un marché local souvent laissé à l’abandon. »

Même certaines entreprises tournées vers l’exportation ne sont pas exemptes de critiques. Lorsqu'elles achètent des cargaisons auprès de producteurs tiers, la vérification de la qualité ou de l’origine des produits n’est pas toujours systématique. Ce manque de rigueur nuit à la fois à l’image du secteur et à la confiance des consommateurs, locaux comme internationaux.

Le modèle agricole marocain, pourtant promu comme un levier stratégique de développement et de croissance, est donc confronté à un talon d’Achille majeur. Sans un renforcement de la régulation, de la traçabilité et de la sensibilisation aux bonnes pratiques phytosanitaires, les dérives actuelles risquent de freiner les ambitions du Royaume en matière de souveraineté alimentaire et de compétitivité sur les marchés mondiaux.



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