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À Rabat, l’Afrique trace sa nouvelle stratégie fiscale
À l’heure où l’Afrique fait face à un déficit annuel de financement de plus de 400 milliards de dollars, les chefs des administrations fiscales africaines se sont donné rendez-vous à Rabat pour repenser en profondeur les leviers de la gouvernance fiscale. Du 22 au 24 juillet, la capitale marocaine accueille la 6ᵉ édition de la Masterclass de l’ATAF (Forum sur l’administration fiscale africaine), un rendez-vous crucial placé sous le signe de l’audace, de l’innovation et de la redevabilité.
Le constat est alarmant : avec un ratio moyen impôts/PIB de 15,12 %, largement inférieur à celui des pays de l’OCDE (33 %), et une aide publique au développement en chute libre, les pays africains se retrouvent contraints de revoir leur modèle fiscal pour asseoir leur souveraineté financière. D’autant plus que plus d’un quart d’entre eux affichent un ratio dette/PIB supérieur à 60 %, réduisant considérablement leur marge de manœuvre budgétaire.
Leadership fiscal et rupture avec les anciens modèles
Pour Mary Baine, nouvelle Secrétaire Exécutive de l’ATAF, la transformation des administrations fiscales passe par un leadership « audacieux, visionnaire et inébranlable ». Ce leadership s’articule autour de quatre piliers fondamentaux :
- Agilité face aux chocs externes, qu’ils soient économiques, sanitaires ou climatiques.
- Culture de la donnée, avec l’intégration de l’intelligence artificielle pour mieux anticiper les risques et renforcer la conformité fiscale.
- Collaboration intra-africaine, afin de mutualiser les innovations et harmoniser les normes.
- Transparence, pour rétablir un lien de confiance entre l’État et les citoyens.
« La transformation de l’Afrique ne sera pas financée de l’extérieur. Cela doit provenir de nos propres poches », a martelé Sam Shivute, vice-président de l’ATAF, soulignant l’urgence de bâtir une fiscalité solide et équitable.
Quatre leviers pour une refonte systémique
Pour répondre à l'urgence, les chefs des fiscaux réunis à Rabat ont identifié quatre leviers stratégiques :
- La transformation numérique : une priorité pour moderniser les systèmes fiscaux, grâce à des outils intégrés, des déclarations automatisées et une meilleure traçabilité.
- L’élargissement de l’assiette fiscale, notamment en intégrant l’économie informelle et en luttant contre l’évasion des plus fortunés à l’aide des technologies émergentes comme la blockchain ou le big data.
- Le renforcement de la transparence et de l’échange de renseignements fiscaux pour endiguer les flux financiers illicites, estimés à 88 milliards de dollars par an.
- Le mentorat entre pairs, pour capitaliser sur l’expérience des cadres aguerris et diffuser les bonnes pratiques dans l’ensemble du continent.
L’ATAF, moteur discret mais décisif
Avec 44 pays membres, l’ATAF est devenue en quelques années l’un des acteurs clés de la gouvernance fiscale en Afrique. Depuis 2016, l’organisation a permis la collecte de plus de 5,1 milliards de dollars grâce à son appui technique, formé 15.000 agents, et produit près de 100 outils pratiques.
Youness Idrissi Kaitouni, directeur général des Impôts du Maroc, a rappelé le rôle pionnier du Royaume dans l’émergence d’un cadre panafricain commun, soulignant une collaboration mutuellement bénéfique : « Le Maroc donne, mais reçoit aussi énormément de l’ATAF ».
Des défis structurels qui persistent
Malgré l’enthousiasme des réformes, plusieurs obstacles majeurs freinent encore la modernisation des systèmes fiscaux :
- Une crise de légitimité fiscale, alimentée par le manque de retour visible de l’impôt dans les services publics.
- Un déficit capacitaire dans la maîtrise des outils technologiques et la formation de spécialistes (data scientists, experts en cybersécurité).
- Une asymétrie structurelle entre les pays membres, aux niveaux de développement économique et technologique très disparates.
Face à ces défis, le succès de la réforme dépendra autant de la volonté politique que de la capacité des dirigeants à incarner un nouveau modèle de gouvernance, où la fiscalité n’est plus perçue comme une contrainte, mais comme un outil de développement durable et inclusif.
L’impôt comme socle du contrat social
À Rabat, les chefs des impôts africains ont esquissé une voie ambitieuse : faire de la fiscalité un vecteur de transformation sociale, économique et démocratique. Mais la route est encore longue. Seule une gouvernance fiscalement juste, technologiquement outillée et socialement légitime pourra réellement répondre aux attentes des citoyens africains et soutenir l’émergence d’un continent souverain.