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Canicule au Maroc : l’agriculture au bord de l’asphyxie climatique
Depuis le début de l’été 2025, le Maroc fait face à une canicule exceptionnelle par son intensité, sa durée et son étendue géographique. Des températures dépassant les 45°C en journée, et ne redescendant guère la nuit, frappent l’ensemble du territoire national, laissant le secteur agricole dans une situation critique.
Le professeur Mohamed Taher Sraïri, spécialiste en agronomie, alerte : « Ce que nous vivons n’est plus une simple sécheresse saisonnière, mais un véritable basculement climatique. Le Maroc est devenu un hotspot du réchauffement global. »
Effondrement de la production laitière
L’élevage bovin, pourtant mécanisé dans certaines fermes, n’a pas résisté. Dès quatre jours de forte chaleur, les vaches réduisent drastiquement leur consommation de fourrage, entraînant une chute du rendement laitier pouvant atteindre 30%. Pour les éleveurs, cela représente des pertes économiques majeures. « La filière laitière illustre à elle seule l’ampleur des dommages que subit l’agriculture », indique le professeur Sraïri.
Cultures estivales carbonisées
Les pastèques, melons, tomates et autres légumes d’été, cultivés en plein champ, ont été particulièrement vulnérables. Des pertes de récolte estimées à 30-40% ont été signalées dans plusieurs régions. « Même irriguées, les plantes n’ont pas résisté à des pics prolongés au-delà de 40°C », explique-t-il. La conséquence est immédiate sur les marchés : les prix des fruits et légumes flambent, affectant le pouvoir d’achat des ménages.
Campagne céréalière en berne
Déjà jugée médiocre avant la canicule, la récolte céréalière 2024-2025 est en net recul avec seulement 40 millions de quintaux. Ce déficit impacte également l’alimentation du bétail, notamment la paille dont le prix s’envole : « Une botte de 10 kg coûte désormais 32 dirhams à la source, un fardeau pour les éleveurs », alerte Sraïri.
Les vergers ne sont pas épargnés. Les jeunes plantations d’agrumes, particulièrement sensibles, succombent à la chaleur. « En cinq ans, 40 000 hectares d’agrumes ont été arrachés, c’est dramatique », affirme-t-il. Les arbres adultes survivent grâce à une irrigation intensive, mais au prix d’une pression accrue sur les ressources hydriques.
L’eau, un enjeu de survie
Les faibles pluies printanières ont suffi à maintenir l’approvisionnement en eau potable, mais pas à soutenir les besoins agricoles. Les barrages sont à des niveaux critiques, et les agriculteurs se tournent massivement vers les nappes phréatiques. « C’est une spirale dangereuse. On pompe davantage dans les réserves souterraines sans reconstitution naturelle », prévient le chercheur.
Quant au dessalement, souvent présenté comme une solution miracle, il se heurte à des limites techniques et économiques. « À plus de 5 dirhams le mètre cube, c’est tout simplement hors de portée pour l’agriculture vivrière », tranche-t-il.
Des pertes humaines et sociales en cascade
Les élevages avicoles subissent eux aussi des mortalités élevées, provoquant une hausse des prix de la volaille et des œufs. Mais au-delà de ces impacts visibles, c’est l’avenir de milliers de familles rurales qui se joue. La menace sur les emplois agricoles est bien réelle. « Si la tendance se poursuit, l’exode rural pourrait s’accélérer », s’inquiète le professeur.
Et ce n’est que le début de l’été...
Avec plusieurs semaines estivales encore à venir, l’inquiétude monte. Le Maroc fait face à un défi structurel : adapter son agriculture à une réalité climatique de plus en plus hostile. Révision des systèmes de production, préservation des ressources hydriques, reconversion de certaines cultures : autant de chantiers urgents pour éviter que les campagnes marocaines ne s’enfoncent davantage dans la crise.
Loin d’un épisode isolé, la canicule de l’été 2025 révèle les failles profondes de notre modèle agricole face au dérèglement climatique. Le Royaume est à la croisée des chemins : soit il amorce un virage stratégique majeur, soit il risque de voir son tissu rural s’effriter sous la pression conjointe de la chaleur, de la rareté de l’eau et de l’instabilité économique.