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Esclavage moderne dans les vignes de Champagne
Dans le cadre d’un procès retentissant qui jette une lumière crue sur les abus dans le secteur viticole français, le tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne a condamné lundi trois personnes pour traite d’êtres humains. Les faits remontent aux vendanges de 2023 dans le célèbre vignoble de Champagne, où une cinquantaine de travailleurs, pour la plupart sans-papiers, ont été exploités dans des conditions jugées « indignes » par les autorités.
Au cœur de l’affaire, une cheffe d’entreprise d’origine kirghize, dirigeante d’une société de prestations viticoles, a écopé de quatre ans de prison, dont deux ferme. Le tribunal a également prononcé un mandat de dépôt immédiat à son encontre, soulignant la gravité des charges : emploi d’étrangers sans titre, travail dissimulé, et salaires quasi inexistants. Bien qu’elle ait tenté de se défausser sur ses co-prévenus, les preuves collectées par l’enquête ont mis en évidence sa responsabilité directe dans l’organisation de ce système d’exploitation.
Deux recruteurs, âgés d’une trentaine d’années, ayant fait venir les travailleurs depuis la région parisienne, ont eux aussi été reconnus coupables. L’un a été condamné à un an de prison ferme, l’autre à un an ferme et un an avec sursis.
L’enquête, menée sur plusieurs mois par les services de l’inspection du travail et la gendarmerie, a révélé des conditions de vie choquantes : les vendangeurs étaient logés dans un hangar et une maison en travaux, dormaient sur des matelas au sol, sans accès digne à l’eau potable, à des toilettes fonctionnelles ou à des installations électriques sûres. Des photos et témoignages accablants ont appuyé les accusations.
« Comme des esclaves », a résumé l’un des travailleurs lors du procès. Les journées de travail s'étiraient parfois de l’aube jusqu’à la nuit tombée, sans pauses ni assistance. Un autre a confié à l'AFP : « Pas de nourriture, pas d’eau, rien du tout… »
En plus des peines de prison, le tribunal a ordonné la dissolution de l’entreprise impliquée et condamné une coopérative vinicole locale à 75.000 euros d’amende, soulignant sa complicité indirecte dans le recours à cette main-d'œuvre exploitée.
Le site d’hébergement situé à Nesle-le-Repons, au sud-ouest de Reims, avait été inspecté à l’automne 2023. La préfecture y avait alors observé une situation sanitaire catastrophique et ordonné sa fermeture immédiate.
Cette affaire relance le débat sur les pratiques dans certains secteurs agricoles en France, où la pression économique pousse parfois à fermer les yeux sur des violations graves des droits humains. Elle rappelle également l’importance cruciale d’un encadrement rigoureux du travail saisonnier, notamment dans des régions aussi emblématiques que la Champagne.