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Épidémies… Ces romanciers qui ont tout vu !
“Les années quarante furent calamiteuses à tous les niveaux. À la grande pénurie, s’ajoutait une crise sanitaire aggravée par le manque de médicaments et de produits d’hygiène. Des épidémies mortelles se propagèrent très vite, faisant des centaines de milliers de victimes, notamment dans les campagnes, où les zones les plus touchées avaient été mises en quarantaine. Dans les villes, la situation n’était pas moins alarmante et les mesures prises par les autorités ne pouvaient empêcher longtemps la contamination”.
Cet extrait du roman “La Grande famine” de Soufiane Marsni est un témoignage poignant des heures sévères qu’a connues le Maroc dans les années quarante du siècle dernier, quand il fut frappé de sécheresse, avec son lot de disette et d’épidémies.
Depuis le début de l’année, le “Covid-19” s’est rabattu sur la planète et s’y propage comme une traînée de poudre à travers les frontières comme les continents. Les réactions humaines face à cet ennemi invisible rappellent que les épidémies, comme les guerres ou tout autre calamité, réveillent chez l’homme ses instincts les plus primitifs.
La psychose induite par cette pandémie gagne la population mondiale. Le spectacle de cette dernière qui se rue, telle une meute de loups affamés, sur les denrées alimentaires, nous rappelle étrangement et tout aussi malheureusement des scènes racontées par Soufiane Marsni dans son roman “La Grande famine”.
Le coronavirus et toutes les frayeurs qu’il a générées nous ont replongé dans cette situation particulièrement difficile que l’on croyait, bien à tort, révolue à jamais. Ainsi, comme le dit si bien l’auteur dans son roman, la crainte bien naturelle de périr de faim pousse les gens à des réactions similaires, par instinct grégaire de conservation, indépendamment de l’époque et du lieu.
En effet, dès qu’une crise se profile à l’horizon, ceux-ci n’ont plus qu’une seule crainte, celle de mourir de faim, et n’ont qu’une seule hantise: se doter d’un stock de nourriture qui leur permettrait d’affronter, le plus longtemps possible, la pénurie.
Les longues files d’attente devant les magasins et les grandes surfaces ne nous rappellent-elles pas celles des années quarante, lorsque les Marocains étaient contraints d’attendre, parfois des journées entières, que vienne leur tour pour pouvoir bénéficier des maigres quantités de vivres qui leur étaient attribuées par les autorités du Protectorat ?
Outre la crise sanitaire et la propagation des maladies infectieuses, la crainte de la pénurie a toujours profité à certains commerçants sans scrupule qui n’hésitent pas, un instant, à augmenter leurs prix et à se faire une fortune sur le dos et le malheur de leurs concitoyens. Comme quoi le malheur des uns ferait le bonheur des autres !
“La grande pénurie des années quarante fut une chance inestimable pour tous ceux qui voulaient bâtir une fortune. Mais, comme les grandes valeurs morales ne vont jamais de pair avec le monde des affaires, il fallut bannir toute faiblesse, mettre l’honnêteté de côté et faire preuve d’une grande agressivité… même démesurée. Les gros commerçants accaparaient le marché, achetaient en contrebande des marchandises rationnées pour les vendre à un prix beaucoup plus élevé’’, lit-on dans l’œuvre du jeune romancier.
“La Grande famine”, ponctuée d’images littéraires insoutenables sur “la précarité de la condition humaine”’, plonge son lecteur dans un vaste champ dans lequel grouillait la peur telle une mauvaise herbe tenace… La peur de mourir de faim, d’être seul ou tout simplement de disparaître sans lien social, sans attache émotive ou solidaire.
L’auteur de “La Grande famine” rejoint beaucoup d’autres qui se sont inspirés du thème des épidémies pour mettre en avant ce que peut devenir une société lorsqu’un drame, de telles nature et ampleur, vient lui enlever ses libertés et ses valeurs fondamentales et constituer une menace certaine pour la vie de tous et de chacun.
Chaque drame a son roman symbolique. “La Peste” du Français Albert Camus retrace, sous la forme d’une chronique, l’épidémie de peste dont a été victime la ville d’Oran “à une date non précisée”, lit-on à la première page.
“En quelques jours à peine, les cas mortels se multiplièrent et il devint évident pour ceux qui se préoccupaient de ce mal curieux qu’il s’agissait d’une véritable épidémie”.
Les habitants de la ville algérienne se retrouvent ainsi “prisonniers” de la peste. “Tous avaient souffert ensemble, autant dans leur chair que dans leur âme, d’une vacance difficile, d’un exil sans remède, d’une soif jamais contentée”.
Au demeurant, à l’instar de toutes les maladies de ce monde, ce mal qui décime la population a quelque part sa bienfaisance, tente de nous dire Camus. “Il nous ouvrirait les yeux et nous pousserait à réfléchir” pour qu’à la fin de cette épreuve, “l’on portera un regard neuf sur les êtres et sur les choses”.
Changer de regard sur le monde, une leçon universelle et intemporelle que les fléaux et les épidémies, qu’elles s’appellent “peste” ou “coronavirus”, administrent à l’Humanité !
Le roman “La Quarantaine”’ de l’auteur français J.M.G le Clézio, mérite lui aussi le détour pour ses descriptions psychologiques des passagers d’un bateau, débarqués sur une île et mis en quarantaine pour cause de variole, de même que le chef-d’œuvre du Prix Nobel de littérature, le Colombien Gabriel Garcia Marquez “L’Amour aux temps du choléra”, où la maladie sert de toile de fond pour décrire le sentiment amoureux dans toute son imperfection, mais aussi dans sa beauté et sa force qui triomphe de l’épidémie.
Appartenant à des époques, des lieux et des cultures différentes, ces récits sur les pandémies soulèvent des questionnements existentiels relatifs à la nature humaine partagée entre craintes et peurs, échecs et solitude, contrariétés et espérances.
L’analyse psychologique profonde de l’attitude de l’Homme face à la maladie et à la mort touche le lecteur au plus profond de lui-même, bouscule ses certitudes et le met dans le questionnement métaphysique constant.
Le lecteur est rappelé à sa réalité, confronté à son âme faite de doutes et de paradoxes, de force et de faiblesse, de bonté et de cruauté, de persévérances et de lâchetés…
A travers le thème de l’épidémie, les auteurs contemporains ont décortiqué la condition humaine, la lutte éternelle de l’Homme amené à faire des choix existentiels tout en demeurant à la merci de fatalités qui le dépassent ou de décisions de rupture qui le régénèrent.
Il reste qu’à côté des événements macabres qu’ils décrivent, ces ouvrages, entrés dans la postérité pour leur avant-gardisme, sont généreux en scènes et descriptions de toute beauté dans un langage chargé de poésie qui traverse les époques et les frontières.
Source : MAP