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Pressions inédites du gouvernement Trump sur les universités américaines

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Pressions inédites du gouvernement Trump sur les universités américaines
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Un vent de tempête souffle sur l’enseignement supérieur aux États-Unis. L’accord de 221 millions de dollars conclu fin juillet entre l’université Columbia et le gouvernement américain marque, selon de nombreux experts, un tournant préoccupant dans la relation entre le pouvoir fédéral et les institutions académiques. Derrière ce règlement financier, certains dénoncent une tentative de museler la liberté universitaire et de remodeler l’enseignement supérieur à l’image des priorités politiques de l’administration Trump.

Depuis son retour à la présidence en janvier 2025, Donald Trump a redoublé d’initiatives visant les universités, en particulier celles accusées de tolérer des mouvements pro-palestiniens. À l’instar de Columbia et Harvard, plusieurs campus ont été mis sous pression pour leurs positions jugées ambivalentes face aux tensions internationales, notamment la guerre à Gaza. L’accusation d’antisémitisme, brandie comme justification, a permis à l’administration d’interrompre le versement de subventions fédérales et d’exiger des réformes internes.

Pour David Pozen, professeur de droit à Columbia, cette affaire dépasse de loin le cadre universitaire. « Ce qui s’est passé à Columbia s’inscrit dans une attaque autoritaire plus large contre la société civile », déclare-t-il. Il va jusqu’à qualifier l’accord financier de « forme déguisée d’extorsion », pointant une manœuvre orchestrée pour forcer les universités à obéir à une ligne idéologique déterminée.

Columbia, tout en niant tout laxisme face à l’antisémitisme, a affirmé que le compromis trouvé permettait de préserver son autonomie institutionnelle. Une position que ne partage pas Pozen, qui y voit au contraire « une ingérence majeure dans les décisions académiques, les recrutements et les admissions ».

Le précédent ainsi créé inquiète le monde académique. Harvard, autre géant de l’Ivy League, serait en train de négocier un accord de 500 millions de dollars, après avoir déjà perdu plus de 2,6 milliards de subventions. Contrairement à Columbia, Harvard a opté pour une résistance juridique, bien que l’issue demeure incertaine.

Des figures du monde académique comme Steven Levitsky alertent sur les dangers pour la démocratie. « Ceux qui pratiquent l’extorsion ne s’arrêtent pas à la première concession », affirme-t-il, appelant les universités à faire front commun face à ce qu’il qualifie de « régime autoritaire ».

Du côté du gouvernement, la ministre de l’Éducation Linda McMahon défend une politique de conditionnalité des financements. Elle cite l’accord avec Columbia comme un « modèle à suivre » et impose des exigences similaires à d’autres établissements, comme l’université de Brown ou celle de Pennsylvanie, désormais soumises à des restrictions sur les politiques de diversité et d’inclusion.

Pour Brendan Cantwell, chercheur en politique de l’enseignement supérieur, cette ingérence fédérale atteint « un niveau jamais vu dans l’histoire américaine ». Il redoute que l’équilibre entre pouvoir politique et autonomie universitaire soit définitivement rompu.

Ce bras de fer, qui mêle libertés académiques, enjeux identitaires et intérêts géopolitiques, pourrait redessiner durablement le paysage universitaire américain. La question centrale reste : jusqu’où le pouvoir exécutif peut-il intervenir dans les affaires internes des universités sans menacer les fondements de la démocratie intellectuelle ?



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