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Procès Kabila : un tournant pour la RDC

Hier 15:00
Procès Kabila : un tournant pour la RDC
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Un séisme politique s’abat sur la République démocratique du Congo avec l’ouverture du procès de l’ancien président Joseph Kabila, accusé par la Haute cour militaire de « crimes contre la paix » et de complicité avec le groupe rebelle M23. Cette procédure judiciaire sans précédent contre un ex-chef d’État plonge le pays dans une crise institutionnelle aux résonances historiques.

Âgé de 54 ans, Joseph Kabila, qui a dirigé la RDC de 2001 à 2019 après l’assassinat de son père Laurent-Désiré Kabila, est aujourd’hui poursuivi pour une série de graves accusations : participation à un mouvement insurrectionnel, trahison, homicides intentionnels, viols, torture, déportation et occupation armée de Goma. Un dossier explosif qui pourrait, en théorie, lui valoir la peine capitale, bien que la RDC n’ait exécuté aucun condamné depuis la levée du moratoire sur la peine de mort en 2024.

Le procès s’ouvre alors que M. Kabila est en exil depuis plus de deux ans. Récemment aperçu à Goma, il ne devrait pas comparaître à l’audience initiale. Ce retour dans l’est du pays, région stratégique aujourd’hui sous influence du M23, n’a fait qu’alimenter les soupçons.

Des accusations explosives, un contexte tendu

L’ancien président est soupçonné d’avoir entretenu des liens directs avec le M23, rébellion armée soutenue par le Rwanda selon l’ONU. Un témoignage-clé évoque une conversation téléphonique entre M. Kabila et un cadre du M23 à propos d’un complot visant à assassiner le président en exercice, Félix Tshisekedi. M. Kabila y aurait exprimé son opposition au plan, préférant un renversement militaire à une action qui transformerait Tshisekedi en martyr.

La levée de son immunité parlementaire, décidée en avril par 88 sénateurs contre 5, a ouvert la voie à ce procès. Une décision qui reflète le climat de rupture définitive entre les anciens alliés : la coalition Kabila-Tshisekedi, formée en 2019, a volé en éclats dès 2021.

Un affrontement entre deux visions du pouvoir

Dans une déclaration rare le 23 mai dernier, Joseph Kabila a dénoncé la "dictature" du régime en place et fustigé une justice instrumentalisée. De son côté, le gouvernement Tshisekedi insiste sur la nécessité de rendre justice face à des crimes qui ont plongé l’est du pays dans le chaos depuis des décennies.

La région du Nord-Kivu, où sévit le M23, reste l’épicentre d’un conflit sanglant depuis plus de 30 ans. Malgré la signature d’un cessez-le-feu le 19 juillet à Doha entre Kinshasa et le M23, les violences perdurent : au moins onze morts ont été enregistrés le 24 juillet dans des affrontements à Masisi.

Le spectre du Rwanda et les ambitions politiques

Le rôle présumé du Rwanda dans le soutien au M23 reste un sujet de discorde majeur. Des experts des Nations unies ont confirmé l’implication directe de l’armée rwandaise dans les opérations récentes du groupe armé, malgré les démentis de Kigali.

Selon l’entourage de Joseph Kabila, aucune alliance formelle ne lie l’ex-président au M23, mais les deux partageraient un but commun : renverser le régime Tshisekedi. Une convergence d’intérêts qui ajoute à la complexité de la crise politique actuelle.

Un procès aux enjeux multiples

Au-delà de la personne de Joseph Kabila, ce procès soulève des questions fondamentales sur l’impunité, la stabilité institutionnelle et l’avenir démocratique de la RDC. Pour beaucoup d’observateurs, ce moment marque un tournant : celui d’un pays qui tente, non sans douleur, de solder les comptes d’un passé violent et d’ouvrir la voie à un État de droit.

Mais à quel prix ? La réponse se jouera dans les prochains mois, dans les salles de la Haute cour militaire, mais surtout sur le terrain, à l’est du pays, où la paix reste encore un vœu fragile.



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