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L’imam marocain Youssef Mssibeh suspendu après une visite controversée en Israël

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L’imam marocain Youssef Mssibeh suspendu après une visite controversée en Israël
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La participation de l’imam marocain Youssef Mssibeh à une visite en Israël continue de provoquer un tollé. En poste à la mosquée Bilal d’Alkmaar, aux Pays-Bas, l’imam a été suspendu avec effet immédiat après avoir fait partie d’une délégation interreligieuse accueillie par le président israélien Isaac Herzog. La décision a été annoncée lundi soir par l’administration de la mosquée, qui envisage également des poursuites judiciaires contre lui pour « le grave préjudice causé à la réputation de l’établissement ».

Dans un communiqué sévère, les responsables de la mosquée ont dénoncé une « visite de trahison », précisant que cette initiative ne reflète en rien les convictions de la communauté. Ils ont réaffirmé leur attachement à la cause palestinienne et à la défense de la mosquée Al-Aqsa, qualifiant les participants de la délégation de « figures marginales ».

L’affaire a immédiatement suscité l’indignation de plusieurs organisations musulmanes. L’Initiative des imams, prédicateurs et orateurs religieux des Pays-Bas a exprimé sa « profonde tristesse » et sa ferme condamnation. Dans un communiqué, l’organisation évoque une « violation grave des principes de la foi », soulignant que de telles visites, en période de conflit intense à Gaza, sont perçues comme une tentative de normalisation masquée. « L’entité sioniste continue de commettre des crimes de génocide, et tente aujourd’hui de redorer son image en utilisant des leaders religieux pour créer une illusion de dialogue et de paix », peut-on lire dans leur déclaration.

Au Maroc, l’Observatoire marocain contre la normalisation a également fustigé la participation de Youssef Mssibeh et d’autres imams européens à cette visite, la qualifiant d’acte irresponsable et d’insulte à la mémoire des martyrs palestiniens.

La délégation, composée d’une dizaine de responsables religieux musulmans venus de France, de Belgique, des Pays-Bas, d’Italie et du Royaume-Uni, a été reçue par le président israélien Isaac Herzog. L’initiative a été organisée par ELNET, un réseau européen pro-israélien actif depuis 2007, dont l’objectif est de renforcer les relations entre Israël et les pays européens, en particulier à travers le dialogue interreligieux.

Lors de son discours, Herzog a tenu des propos conciliants : « Nous sommes tous les enfants d’Abraham. Dites à vos dirigeants que nous voulons la paix, la fin des souffrances à Gaza et le retour de tous nos otages. »

C’est Hassen Chalghoumi, président de la Conférence des imams de France et imam de la mosquée de Drancy, qui s’est exprimé au nom de la délégation. Dans une déclaration reprise par plusieurs médias israéliens, il a salué le « courage du peuple israélien » et affirmé son attachement sincère à la paix : « Mon message est celui d’un lien sincère envers votre peuple, et d’une prière du cœur pour que les otages rentrent en paix et que la souffrance des civils innocents à Gaza cesse. » Chalghoumi est allé plus loin, décrivant le conflit en cours comme un « affrontement entre deux visions du monde », où Israël incarnerait celle de la démocratie, de la liberté et de la fraternité. Une position qui a vivement choqué de nombreux fidèles et acteurs associatifs musulmans, particulièrement dans les banlieues européennes où la cause palestinienne demeure un symbole central d'engagement.

Cette visite, qui se voulait selon ses organisateurs un geste d’apaisement, a finalement accentué les tensions internes dans plusieurs communautés musulmanes d’Europe. Aux Pays-Bas, où les débats sur la normalisation avec Israël sont particulièrement sensibles, la suspension de Youssef Mssibeh apparaît comme un signal fort : les figures religieuses ne peuvent s’affranchir des sensibilités collectives, surtout lorsqu’il s’agit d’une cause perçue comme sacrée.

L’affaire soulève également des interrogations plus larges sur la stratégie d’influence israélienne en Europe et sur le rôle que certains leaders religieux musulmans peuvent jouer dans ce contexte. Faut-il favoriser le dialogue à tout prix, ou tenir une ligne de résistance morale face à un conflit toujours meurtrier ? Une question qui divise, et qui continue d’alimenter un débat aussi spirituel que politique.


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